Selon le nouveau rapport de T&E, l’électrification des flottes progresse rapidement une fois lancée, mais la majorité des grandes entreprises tarde encore à se mettre en mouvement. La situation est susceptible d’évoluer positivement grâce aux sanctions prévues dans le budget 2025. Une réforme actuellement portée à l’Assemblée suscite de vives inquiétudes : en l’état, elle risque paradoxalement de freiner la transition électrique des grandes flottes.
Pour la troisième année consécutive, T&E (Transport & Environment) publie un rapport sur le respect des objectifs d'électrification des flottes des grandes entreprises inscrits dans la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM). Cette analyse met en lumière un fossé profond entre deux comportements opposés : d’un côté, les « leaders », qui ont su s’organiser et dépassent largement les objectifs prévus par la loi. De l’autre, les « retardataires », qui n’ont toujours pas pris le virage de l’électrification.
L’année dernière, un quart des 3 700 groupes soumis à la LOM ont atteint leur quota de verdissement. Les « leaders » représentent un peu plus d’un groupe sur dix, avec une part de véhicules à faibles émissions allant de 38 à 100 % des immatriculations. A l’opposé, 45 % des entreprises concernées restent ancrées dans un modèle « tout thermique » et n’ont immatriculé aucun véhicule électrique en 2024.
« La tendance des années précédentes se confirme. D'un côté, une minorité d'entreprises a déjà fait sa transition électrique. De l'autre, un large bloc n’est pas au rendez-vous, analyse Léo Larivière, responsable transition automobile à T&E France et auteur du rapport. C'est regrettable, car les témoignages des entreprises engagées sont unanimes : les retours sont très positifs, en particulier sur le plan financier. Aucune n’envisagerait de revenir en arrière ».
Pour T&E, le retard dans l’électrification résulte avant tout d’un manque d’engagement des comités de direction des entreprises retardataires, qui n’ont pas enclenché leur projet de transition, à l’inverse de celles qui affichent des bons résultats. Pour preuve, au sein d’un même secteur, des entreprises confrontées aux mêmes défis opérationnels affichent des performances diamétralement opposées.
Dans les télécoms, Orange atteint un taux impressionnant d’électrification avec 41 % des véhicules immatriculés en 2024, alors qu’Altice reste bloqué à 0 %. Dans le secteur du leasing, Crédit Agricole est à 36 % de véhicules électriques, quand le groupe BPCE plafonne à 8 %. Du côté des loueurs de courte durée, le groupe corse Filpar continue de tracer sa route (17 %), là où les géants internationaux du secteur (Enterprise, Europcar, Sixt et Hertz) peinent à suivre, avec des taux d’électrification très faibles (respectivement, 1 %, 1 %, 2 % et 4 %).
« Ce retard est d’autant plus préjudiciable qu’il réduit les bénéfices collectifs de l’électrification des entreprises, commente Léo Larivière. Les grandes flottes sont les premières clientes des constructeurs hexagonaux. C’est un débouché crucial pour les modèles électriques Made in France et le maintien des emplois dans la filière. Ce sont aussi les grandes flottes qui alimentent le marché de l’occasion. Or, c’est là où se fournissent la grande majorité des Français ».
Les modélisations de T&E permettent de chiffrer l’ampleur de ces bénéfices. Une réforme de la LOM permettrait la mise en circulation de 2,4 millions de véhicules électriques supplémentaires, dont 1,1 million de modèles français et 360 000 produites en France entre 2025 et 2035. Les Français verraient par ailleurs arriver sur le marché de l’occasion 1,2 million de véhicules électriques de seconde main supplémentaires.
L’État a récemment pris le dossier en main : le budget 2025 a acté de premières sanctions financières pour les grandes flottes ne respectant pas leurs quotas, ce qui devrait inciter les groupes concernés à entamer leur transition. Une réforme plus globale de la LOM pourrait aussi être discutée cette année, à la suite du dépôt d’une proposition de loi par les députés Gérard Leseul (PS) et Jean-Marie Fiévet (EPR).
T&E estime néanmoins qu’avec ce texte, le compte n’y est pas. Différents points posent problème, en particulier les multiples affaiblissements de la trajectoire d’électrification, l’abaissement de la taille des flottes visées par les quotas (de 100 à 50 véhicules) et la volonté d’exclure les grands groupes de location des sanctions. De telles mesures conduiraient à vider la LOM de sa substance et, au final, pourraient paradoxalement freiner la transition électrique des grandes flottes, au moment même où elle peut s’accélérer grâce aux sanctions prévues dans le dernier budget.
Ci-dessous, vous trouverez trois citations de grandes entreprises résolument engagées dans l’électrification de leurs flottes :
Alexandre Nepveu, Directeur de la gestion des véhicules chez Orange :
« Chez Orange, nous sommes convaincus que nos actions en matière d’utilisation de véhicules professionnels contribuent à faire baisser notre consommation énergétique et nos émissions de CO2. Forts de ce constat, nous entendons poursuivre des objectifs ambitieux en la matière en augmentant la part des véhicules électrifiés dans notre flotte avec 7 000 véhicules électrifiés d’ici 2025 ; en faisant la promotion des modes de transports collaboratifs et solidaires, ainsi que de l’écoconduite. Cette optimisation de la gestion de notre flotte professionnelle est une de nos actions métiers qui contribue à nos engagements Net Zéro carbone en 2040 »
Gilles Filippi, Directeur général délégué de Filpar :
« Cela fait maintenant plusieurs années que nous avons investi dans la conversion électrique de notre modèle d’activité. Et aujourd’hui, on peut dire que ça marche : nos véhicules électriques sont loués et l’expérience client est bonne. Notre expérience est un contre-pied à la montée du discours anti-écologique car nous faisons coexister développement économique et durabilité. »
Stéphane Priami, Directeur général de Crédit Agricole Personal Finance & Mobility :
« Le marché du véhicule électrique a connu un ralentissement en 2024 après plusieurs années de croissance exponentielle. Ceci ne remet pas en cause notre volonté d’accompagner fortement l’électrification de la mobilité et notre ambition d’être leader de la mobilité électrique en Europe. Nous savons que les transitions sont rarement linéaires. Elles connaissent des cycles d’accélération et de ralentissement, mais la dynamique vers l’électrique est irréversible. Les constructeurs ont déjà investi, les technologies progressent, et l’effort collectif de tout le secteur automobile est en marche. En tant que banquier et acteur majeur du leasing, le rôle du Crédit Agricole est primordial pour accompagner les transformations sociétales en proximité avec les territoires et faire que ces transitions soient le plus juste possible, en garantissant que personne ne soit laissé de côté ».
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