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Transport maritime : un fort potentiel pour les carburants de synthèse, mais des investisseurs encore frileux

juin 3, 2024

Selon une cartographie réalisée par Transport & Environment (T&E), environ 4% du transport maritime européen pourrait être alimenté par des carburants de synthèse d’ici 2030. Mais seulement un tiers de la production potentielle pourrait voir le jour, car les fournisseurs redoutent une demande trop faible.

3 Le nombre de projets d’usines de méthanol de synthèse prévus en France à date (mai 2024).

Selon une nouvelle analyse de T&E, environ deux tiers des projets européens de production de carburants de synthèse pour le secteur maritime pourraient être remis en question dans les prochaines années. Le recensement des projets effectués par T&E montre que près de 4% des navires qui naviguent ou font escale dans les mers européennes pourraient fonctionner uniquement avec des carburants de synthèse en 2030.

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Mais les fournisseurs de carburants se montrent réticents à s'engager financièrement dans cette nouvelle filière s'ils n'ont pas plus de garanties sur la demande future. Pour T&E, cela signifie que la grande majorité des projets pourrait ne jamais voir le jour au cours de cette décennie, mettant en péril les ambitions climatiques de l'Europe et des milliers d'emplois.

Des projets encore incertains

Fanny Pointet, responsable du Transport maritime à T&E France, explique : « Les projets liés à l'hydrogène se multiplient dans toute l'Europe, et notamment en France. Ils pourraient faire émerger une nouvelle filière industrielle et alimenter des secteurs difficiles à décarboner comme le transport maritime. Mais pour l'instant, il n'y a pas assez de certitudes et nous risquons de rater cette occasion en or ».

Il existe au moins 17 projets dans toute l'Europe qui sont destinés exclusivement aux navires. Si tous ces projets deviennent opérationnels, ils répondront à près de 4 % de la demande énergétique totale des navires de l'UE d'ici à 2030. T&E a identifié 44 autres projets de production d'hydrogène en Europe qui pourraient également fournir des carburants décarbonés aux navires, mais les développeurs de ces projets ont également en vue d'autres industries gourmandes en hydrogène comme la chimie ou la sidérurgie.

Le Danemark et l’Espagne en pôle

Les projets cartographiés permettraient facilement d'atteindre l'objectif fixé de l'Union européenne de 2 % d'e-carburants utilisés par les navires en 2034. Néanmoins, la plupart des projets n'ont pas encore reçu de financement et aucun projet dédié au transport maritime n'est encore en exploitation. Les producteurs de carburants citent le manque de certitude des acheteurs et de sécurité des investissements comme des obstacles majeurs. Cette situation met en péril des millions de tonnes de carburants de synthèse et des milliers d'emplois qualifiés. À l'échelle mondiale, on estime que le transport maritime vert pourrait créer 4 millions d'emplois d'ici à 2050.

Le Danemark représente à lui seul plus de la moitié des volumes d'hydrogène prévus dans les 61 projets recensés par T&E. Mais en ce qui concerne les carburants spécifiquement destinés au transport maritime, l'Espagne arrive en tête avec un tiers de la production potentielle de carburant.

La France compte actuellement 3 projets d’usines de méthanol de synthèse, dont une partie de la production pourrait être dédiée au maritime : eM-Lacq (Pyrénées-Atlantique), eM-Rhône et Hynovi (Isère). Au total, près d’un million de tonnes d’e-méthanol pourraient être commercialisées d’ici 2030 dans l’Hexagone. Enfin, malgré l'étendue de son littoral, le Royaume-Uni ne compte que très peu de projets, tandis que T&E n'en a trouvé aucun en Italie et en Grèce.

Développer à la fois l’offre et la demande

À long terme, l'ammoniac (ou e-ammonia) semble être l'option la plus populaire, représentant 77 % des volumes potentiels. Toutefois, à ce jour, aucun de ces projets n'a fait l'objet d'une décision finale d'investissement.

« Le transport maritime est confronté au problème de la poule et de l'œuf. Les producteurs d'e-carburants attendent d’être sûrs que les armateurs soient intéressés avant de réaliser des investissements importants. Ces derniers, quant à eux, attendent que ces carburants se développent et deviennent moins chers avant de signer des accords d'achat. L'UE devrait veiller à ce que l'offre et la demande d'e-carburants augmentent, en adoptant une réglementation adaptée, ce qui offrira aux producteurs de carburants et aux compagnies maritimes une certitude en matière d'investissement » conclut Fanny Pointet.

T&E recommande aux États membres d’imposer qu'au moins 1,2 % des carburants utilisés dans le transport maritime soient des e-carburants d'ici 2030, comme le préconise la loi européenne sur les carburants verts (RED III). Cela permettrait de sécuriser tous les projets actuels qui ont déjà reçu un financement et de permettre à d'autres projets d'atteindre la décision finale d'investissement. Les revenus du marché du carbone de l'UE pour le transport maritime (ETS) devraient également être utilisés pour aider les projets naissants, selon T&E.


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