Tribune - Les experts de T&E France vous aident à répondre aux contre-vérités et aux mythes qui circulent sur la voiture électrique.
Votre repas de Noël est un peu terne ? On n’entend que le bruit des fourchettes ? La solution pour mettre l’ambiance est pourtant simple : « Et vous, vous en pensez quoi de la voiture électrique ? ». Avec un peu de chance, ça devrait réveiller votre oncle légèrement assoupi en bout de table. « L’électrique ? Encore un truc de bobo urbain qui ne connaît pas la vraie vie » se moque-t-il. « Tu sais combien ça coûte ? » s’étrangle votre père en coupant la dinde. « J’ai lu que les batteries étaient produites en Chine et qu’il fallait plein de terres rares ! C’est pas très écolo quand même », s’inquiète votre sœur.
Voilà, vous avez lancé un débat qui s’annonce… électrique. A vous de répondre maintenant, sans vous démonter. Commençons par les bases. Rappelez à votre famille pourquoi on parle autant du véhicule électrique : « Ça vous inquiète pas vous les canicules à répétition l’été ? Le manque d’eau dans les nappes phréatiques ? Les 25 degrés jusqu’en novembre ? Pour lutter contre les dégâts du réchauffement climatique, il faut absolument arrêter de brûler du pétrole, notamment dans les moteurs de voiture. Et c’est bien pour ça que les pays européens ont décidé d’arrêter la production des moteurs classiques en 2035 ». Bien. Mais là, il faut être plus convaincant, parce que la tablée écoute distraitement.
Lancez-vous : « Oui, pour l’instant les batteries sont très majoritairement produites en Chine, et leur fabrication émet du CO2. Mais tu savais que lorsqu’on compare deux voitures similaires, l’une essence et l’autre électrique, la voiture électrique émet aujourd’hui 5 fois moins de CO2 sur toute sa durée de vie en France, fabrication incluse ? » [1]. « Peut-être, rétorque votre sœur, mais quand même, ça ne te gêne pas que la batterie de ta fameuse voiture électrique soit produite en Chine ? ». Votre réponse ? « C’est bien pour ça que de nombreux pays européens, dont la France, sont en train d’ouvrir des usines de batteries, qui seront bien moins polluantes et permettront de couvrir la totalité des besoins d’ici 5 ans. Et contrairement au mythe qui circule souvent, il n’y a aucune terre rare dans les batteries aujourd’hui ! » [2]. Convaincue, votre sœur hoche la tête et reprend de la bûche.
Votre père, qui écoutait distraitement, s’en mêle : « Et quand les batteries seront mortes, on les jette ? C’est pas très écolo non plus ça ». « On les recycle !, répondez-vous. Pour l’instant, il y a peu de voitures électriques en fin de vie donc peu de matière à recycler, mais d’ici quelques années les entreprises auront l’obligation de recycler entre 70 % et 90 % des métaux présents dans les batteries [3]. Et il est possible de recycler les métaux critiques des batteries jusqu’à 99 %. En plus ça conduira à en extraire moins du sol. T’es rassuré ? »
Passons maintenant au morceau de choix, votre oncle, celui qui a un gros 4×4 en photo de profil Facebook. Demandez-lui : « C’est quoi qui te fait peur ? L’autonomie ? ». « Bien sûr ! On ne peut pas partir en vacances sans tomber en panne ou passer des heures à recharger » se plaint-il. « Mais dis moi, cher oncle, en dehors de ton trajet estival annuel dans le Var, tu ne roules pas 300 km par jour, on est d’accord ? Donc pour 90 % [4] de tes trajets dans l’année, tu n’as pas besoin de recharger en cours de route. Et quand tu partiras en vacances, est-ce que c’est grave si le trajet dure un peu plus longtemps mais que tu pollues moins au final ? ».
Votre oncle se gratte la tête. Jusqu’à présent, il n’avait pas envisagé les choses sous cet angle. « Et on se recharge où quand on n’est pas à la maison ? poursuit-il. Il n’y a pas tant de bornes que ça ! ». « C’est parce que la plupart sont installées dans des propriétés privées, à domicile ou dans les entreprises, répondez-vous. En plus, les pays européens prévoient l’installation de bornes de recharge rapide tous les 60 km le long des principaux axes routiers d’ici 2025 [5]. Et déjà aujourd’hui, les bornes de recharge se déploient rapidement en France, tu serais surpris ». A court d’arguments, votre oncle s’enfuit se ravitailler en champagne.
C’est alors que votre mère, en retrait jusque là, attaque. « Tu fais le malin mais tu sais qu’une voiture électrique c’est très cher ? Comment on fait si on en veux une ? ». Soyez conciliant : « T’as raison maman, le prix à l’achat est plus cher. Mais si tu prends en compte le prix du carburant et de l’entretien, ta voiture essence te revient en réalité plus cher au bout de quelques années, et à l’usage, l’électrique c’est 2 à 3 fois moins cher, même en temps de crise énergétique. C’est pas toi qui râlait quand le prix du litre dépassait les 2 euros? ».
Votre mère n’écoute plus, elle a sorti sa calculette et regarde déjà combien elle pourrait économiser en passant à l’électrique. C’est le moment pour vous de vous régaler et de vous détendre en croquant un bon morceau de dinde. « Tu sais comment elle a été élevée, cette pauvre dinde ? » demande alors votre sœur. Visiblement, vous n’êtes pas le seul à vouloir mettre l’ambiance à ce repas.
Tribune publiée sur le site de Heidi News.
Notes
[1] Voir le comparateur de Transport et Environnement. Par exemple, une voiture électrique roulant en France avec des batteries produites en Chine émettra 11,8 tonnes de CO2 sur toute sa durée de vie, contre 49 tonnes pour une voiture essence.
[2] Contrairement à ce que leur nom laisse penser, les “terres rares” (qui sont des métaux) ne sont pas rares : elles sont même 200 fois plus abondantes sur Terre que l’or ou le platine et leur concentration est trois fois plus importante que celle du cuivre et deux fois plus que celle du zinc. Surtout, il n’y a pas de terres rares dans les batteries des véhicules électriques. Ces batteries contiennent du lithium, du cobalt et du nickel, qui ne sont pas des terres rares et qui soulèvent d’autres enjeux.
[3] Ces taux sont en cours de négociation au niveau européen et varieront selon les matériaux.
[4] Selon le ministère de la Transition écologique, les Français ne font, en moyenne, que 6 voyages de plus de 80 km par an, pour des motifs personnels ou professionnels. 70 % de ces voyages sont inférieurs à 500 km.
[5] Le nouveau « règlement sur les infrastructures pour les carburants alternatifs » (AFIR) a été voté par les eurodéputés en octobre 2022 et par les Etats membres en juin 2022. Il doit être maintenant validé lors des négociations dites “trilogues”.
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