Lettre

Plusieurs compagnies maritimes appellent à limiter l’utilisation de biocarburants dans le secteur

février 17, 2025

Louis Dreyfus Armateurs fait partie des signataires d’une lettre ouverte demandant à l’Organisation maritime internationale (OMI) d’exclure de la liste des carburants alternatifs les biocarburants issus de cultures destinées à l’alimentation humaine ou animale (soja, huile de palme…).

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Des compagnies maritimes, dont le géant allemand Hapag-Lloyd et le français Louis Dreyfus Armateurs demandent à l'agence des Nations-unies chargée du maritime d'exclure les biocarburants non durables de sa liste de carburants alternatifs.

L'Organisation maritime internationale (OMI) a adopté un objectif ambitieux de zéro émission pour le transport maritime d'ici 2050, mais elle n'a pas encore précisé comment l'atteindre concrètement. De nombreux représentants nationaux se rendront au siège de l'organisation cette semaine, à Londres, pour débattre de nouvelles mesures réglementaires de décarbonation [1].

Des biocarburants plus nocifs que les carburants fossiles

En l'absence de vrais garde-fous, ces nouvelles mesures pourraient entraîner une utilisation accrue de biocarburants à base d’huile de palme et de soja. Ils deviendraient les carburants les moins chers permettant de se conformer aux nouvelles normes d'émissions. Les autres biocarburants, issus de déchets, tels que l'huile de cuisson usagée, ont en effet une disponibilité trop limitée pour répondre à la demande croissante.

En prenant en compte la déforestation et l'utilisation des terres, l'huile de palme et le soja sont deux à trois fois plus nocifs pour le climat que les carburants fossiles utilisés pour le transport maritime. L'utilisation de biocarburants à base d'huile de palme a doublé dans l'UE entre 2010 et 2020, suite à l'introduction d'une loi promouvant les biocarburants dans les voitures. L'utilisation de terres cultivées pour produire des carburants exerce également une pression sur la biodiversité et l'approvisionnement alimentaire, prévient T&E.

Des interdictions nationales qui montrent le chemin

Fanny Pointet, responsable du transport maritime à T&E France, explique : « En l'état actuel des choses, l'OMI risque de faire plus de mal que de bien. Les biocarburants à base d'huile de palme et de soja sont dévastateurs pour le climat et occupent de vastes étendues de terre. Au lieu de créer de nouveaux problèmes, la communauté maritime mondiale devrait valoriser les carburants de synthèse à base d'hydrogène. Brûler des récoltes pour remplir des réservoirs ne sera jamais une bonne solution. »

Des pays comme la France, la Norvège et les Pays-Bas ont déjà limité ou cessé d'utiliser des biocarburants de palme et de soja, tandis que l'UE elle-même a exclu l'utilisation de cultures alimentaires de son règlement phare sur les carburants destinés au transport maritime (FuelEU).

Mais au niveau mondial, aucune restriction de ce type n'est proposée. Les signataires de la lettre demandent à l'OMI d'exclure de la future réglementation les biocarburants issus de cultures vivrières ou fourragères, et de veiller à ce qu'ils ne bénéficient pas des incitations économiques normalement destinées aux carburants à émissions nulles ou quasi nulles.

« Chez Hapag-Lloyd, nous sommes d'accord avec les ONG environnementales pour ne pas utiliser de biocarburants issus de matières premières agricoles. La décarbonation est un objectif commun, et elle doit être fondée sur des évaluations approfondies du cycle de vie du carbone, tout en protégeant la biodiversité et en garantissant la sécurité alimentaire. Les incitations à la décarbonation devraient se concentrer sur des solutions évolutives et durables qui soutiennent à la fois les personnes et la planète, plutôt que sur celles qui nuisent aux écosystèmes ou aux communautés locales » a déclaré Arne Maibohm, directeur de la décarbonation chez Hapag-Lloyd AG.

FIN

Note aux éditeurs

[1] En 2023, l'OMI a adopté une nouvelle stratégie climatique qui prévoit d'atteindre des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles « d'ici à 2050 ou aux alentours ». Entre-temps, l'OMI s'est fixé pour objectif de réduire les émissions de 20 à 30 % d'ici à 2030 et de 70 à 80 % d'ici à 2040, par rapport aux niveaux de 2008. L'un des éléments clés de cet objectif est la norme mondiale sur les carburants, qui obligerait les navires à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en optant pour des carburants alternatifs - et plus propres.


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