130 000 Le nombre de barils d'huile usagée consommés chaque jour en Europe.
Alors que le secteur aérien utilise de plus en plus d’huile de cuisson usagée pour se décarboner, une nouvelle analyse montre que les quantités disponibles vont plafonner et seront incapables de répondre à la demande future. Pire, certains pays exportateurs comme la Malaisie affichent des niveaux d’exportations suspects, faisant craindre un risque de fraude avec de l’huile de palme vierge et donc un impact climatique catastrophique.
130 000 Le nombre de barils d'huile usagée consommés chaque jour en Europe.
La décarbonation de l’aviation est-elle entachée d’une fraude massive des pays exportateurs d’huile de cuisson usagée ? Une nouvelle étude réalisée par Stratas Advisors pour Transport & Environment dévoile des données préoccupantes concernant l’utilisation de l’huile de cuisson usagée (abrégée UCO). Cette ressource, souvent collectée dans les restaurants à travers le monde, est ensuite transformée en différents carburants, comme le biodiesel ou le biokérosène.
L’Europe consomme actuellement 130.000 barils d’huile usagée par jour, huit fois plus que sa capacité actuelle de collecte. Elle est donc très dépendante des importations, vis-à-vis de pays comme la Malaisie ou la Chine. Or les données concernant ces deux pays sont préoccupantes. Selon l’analyse, la Malaisie exporte ainsi trois fois plus d’huile de cuisson que ce qu’elle déclare collecter (cf graphique ci-dessous).
« Cela prouve avec une quasi-certitude qu’il existe une fraude à grande échelle dans ce pays, explique Jérôme du Boucher. La Malaisie étant l’un des plus grands producteurs d’huile de palme, tout laisse à penser qu’une grande partie de la soit-disante huile de cuisson usagée est en réalité de l’huile de palme, dont la culture accroît la déforestation ».
En Chine, les données de collecte et d’exportation sont cohérentes, mais en apparence seulement. La Chine doit en effet composer avec un marché illégal de revente d’huile de cuisson, ce qui signifie qu’une partie de l’huile prétendument collectée est en réalité consommée dans le pays et non exportée. Comme en Malaisie, une partie des exportations chinoises pourraient donc être composées d’huiles vierges végétales.
Forte tension entre l’offre et la demande
Pour T&E, ce problème risque de s’accroître fortement dans les prochaines années. L’huile de cuisson usagée est en effet utilisée dans les SAF (Sustainable aviation fuels), qui doivent permettre à l’aviation de réduire ses émissions. L’usage des SAF étant amené à s’accroître fortement , la demande d’huile de cuisson usagée va logiquement grimper. Mais une telle croissance n’est pas soutenable. Selon T&E, pour remplir les objectifs de SAF fixés en Europe pour 2030, en Chine et aux Etats-Unis avec du biokérosène issu d’huile de cuisson usagée, il faudrait pouvoir en collecter deux fois plus que le potentiel maximal de collecte.
« Même en récupérant 100% de l’huile usagée, l'Europe ne pourra jamais en avoir assez pour faire voler tous ses avions [1], analyse Jérôme du Boucher. Par exemple, si Ryanair voulait tenir ses objectifs de SAF pour 2030 avec cette ressource, elle devrait utiliser l’ensemble du volume collecté en Europe ! Et on ne parle que des besoins d’une seule compagnie aérienne. Même en rajoutant les exportations, il ne sera pas possible de décarboner en même temps l’aviation, les voitures et les camions du continent avec de l’huile de cuisson usagée. Elle ne pourra jouer qu'un rôle limité et en aucun cas être une solution miracle ».
T&E demande aux Etats membres de l’UE de ne plus comptabiliser les importations d'huile de cuisson usagée importée comme biocarburants durables, afin de mettre un coup d’arrêt à la fraude.
Note aux éditeurs
[1] D'autres matières premières que l'UCO pourraient en théorie être utilisées pour atteindre les objectifs de SAF. Mais à court terme, l'huile de cuisson usagée reste l'option la moins chère, avec les graisses animales, et donc privilégiée par les producteurs de carburants, avec plus de 80 % des volumes de SAF étant fabriqués à partir de l’UCO.
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