Une étude de Transport & Environment (T&E) dévoilée ce mardi révèle que les sociétés de leasing, dont beaucoup sont détenues par les banques françaises, surfacturent les voitures électriques qu’elles louent, au détriment de la transition électrique de l'automobile et du porte-monnaie de leurs clients.
En France, le loyer mensuel demandé par les sociétés de leasing pour une location de longue durée est en moyenne 56 % plus élevé pour un véhicule électrique (VE) que pour son équivalent thermique. Par exemple, le loyer moyen mensuel d’une Peugeot e-208 s’établit à 547 €, contre 355 € pour le modèle essence [1].
Un prix bien trop élevé par rapport à la réalité du marché, selon une nouvelle étude de T&E. En effet, les loyers pratiqués ne tiennent pas compte des évolutions récentes du prix de revente des véhicules électriques sur le marché de l’occasion, qui constitue la principale variable utilisée par les sociétés de leasing pour fixer leurs prix. En théorie, plus cette valeur résiduelle (valeur de revente) est élevée, moins le loyer du véhicule est élevé.
T&E a analysé 2,7 millions de prix de véhicules d’occasion dans les cinq plus grands marchés automobiles européens (Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne) pendant cinq ans et demi, de janvier 2017 à juin 2022. Les résultats sont clairs : le prix de revente des véhicules électriques se rapproche de plus en plus de celui des modèles thermiques.
Si l’on prend le cas de la France, la tendance est nette. L’écart entre la valeur d’achat et la valeur de revente d’un véhicule électrique s’est nettement réduit. En 2017, une société de leasing qui revendait une voiture électrique vieille de 3 ans pouvait espérer récupérer 37,3 % du prix d’achat initial. En 2022, pour une voiture électrique de 3 ans, la société de leasing récupérait 43,4 % du prix d’achat. Les valeurs de revente des voitures thermiques progressent aussi sur la même période, mais beaucoup moins rapidement (46,6 % en 2017, 49,8 % en 2022). Et pourtant, ce rapprochement ne se traduit pas dans les offres de leasing, puisque les devis obtenus par T&E montrent des différences très importantes de loyers entre modèles électriques et thermiques.
Léo Larivière, responsable du plaidoyer électrification des flottes chez T&E France, détaille : « Les sociétés de leasing adoptent aujourd’hui des hypothèses trop conservatrices dans la fixation de leurs prix. Leurs offres reflètent l’état du marché d’il y a 5 ans, lorsqu’il y avait des incertitudes sur l’attractivité des véhicules électriques de seconde main. Cela a des conséquences très concrètes : les utilisateurs de véhicules électriques sont surfacturés et la transition vers l’électrique est entravée. »
La situation est d’autant plus problématique que les sociétés de leasing sont des géants discrets du marché de l’automobile. A l’échelle européenne, elles gèrent un parc de 12 millions de véhicules et mettent chaque année en circulation plus d’un véhicule neuf sur cinq (22 % des immatriculations en 2022). Souvent détenues par des banques et des constructeurs automobiles, comme Renault (RCI Bank), BNP Paribas (Arval) et la Société Générale (ALD Automotive et Leaseplan), elles ont réalisé des profits records en 2022 [2].
Pourtant, contrairement aux constructeurs automobiles, aucune des grandes sociétés de leasing n’affiche de grandes ambitions en matière de véhicules zéro émission. La plupart d’entre elles poursuivent un objectif de transition vers les « véhicules à faibles émissions » [3]. Ce qualificatif très large inclut les véhicules hybrides rechargeables. Or, ces véhicules sont des voitures thermiques déguisées, qui peuvent émettre en conditions réelles jusqu’à 7 fois plus de CO2 que les mesures officielles [4].
Les sociétés de leasing se caractérisent aussi par un manque de transparence. Aucune des dix principales sociétés de leasing n’a voulu communiquer à T&E sa part de véhicules 100 % électrique dans le renouvellement de sa flotte. Selon des données globales obtenues par T&E, le rythme d’adoption des VE dans le secteur du leasing est à la traîne par rapport aux ménages privés. En 2022 en France, 7,5 % des nouvelles immatriculations dans le secteur du leasing étaient des véhicules électriques, contre plus du double (18,5 %) pour les ménages privés.
Léo Larivière conclut : « Les sociétés de leasing doivent jouer un rôle de premier plan dans la transition vers l’électrique, à la hauteur de leur position dominante sur le marché automobile. Ces géants passent actuellement au travers des mailles du filet et sont très en retard sur les objectifs climatiques. S’ils n’accélèrent pas rapidement en matière d’électrification, nous aurons du mal à assurer la transition du marché de l’occasion : les voitures achetées aujourd’hui par les sociétés de leasing y seront revendues d’ici trois ou quatre ans et conditionneront l’offre de seconde main pour les ménages les moins aisés. »
Notes aux éditeurs
[1] T&E a démarché anonymement les principales compagnies de leasing en se présentant comme un particulier souhaitant louer un véhicule en leasing, électrique ou thermique. Les devis reçus ont ensuite été retraités (hors TVA, application de la fiscalité relative aux véhicules professionnels) pour obtenir une estimation des offres proposées aux clients professionnels (entreprises et administrations).
[2] En 2022, LeasePlan a enregistré un résultat net de 1,93 milliard d’euros (+ 90 % par rapport à 2021), contre 1,2 milliard d’euros pour ALD Automotive (+ 38 % par rapport à 2021). Les résultats d’Arval, également annoncés comme très positifs, ne seront connus que le 6 mars 2023.
[3] Seule ALD Automotive (Société Générale) s’est fixé l’objectif d’atteindre un pourcentage de 50 % de VEB dans ses locations d’ici 2030.
[4] Voir l’étude de T&E publiée en février 2023 (en anglais) :Plug-in hybrids pollute more than claimed in cities and on commutes, new tests show
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