Malgré des annonces positives sur le verdissement des flottes d'entreprises, l'affaiblissement des objectifs de réduction des émissions de CO₂ des véhicules neufs et le soutien hésitant à la production de batteries vont accroître le décrochage industriel de l’Europe par rapport à la Chine.
Le plan automobile de l'UE présenté aujourd'hui doit marquer une limite claire aux concessions accordées à l'industrie automobile, au détriment des objectifs climatiques et industriels. Le plan de la Commission européenne contient des mesures cruciales pour stimuler la demande de voitures électriques européennes, y compris une prochaine réglementation sur le verdissement des flottes d'entreprises. Mais la décision d'accorder deux années supplémentaires aux constructeurs européens pour se conformer aux objectifs de 2025 en matière d'émissions de CO₂ ne va pas les inciter à rattraper leur retard dans la course à l'électrification.
Bien que le plan contienne de vagues mesures visant à renforcer les incitations nationales et le leasing social pour les véhicules électriques, T&E estime que les effets positifs de ces dispositions seront annulées par l'affaiblissement des objectifs de 2025. Les constructeurs automobiles européens vendront en effet jusqu'à 880 000 voitures électriques de moins entre 2025 et 2027 par rapport à ce qui aurait pu être vendu si l’objectif avait été conservé. La révision des objectifs supprimerait également la pression exercée sur l'industrie pour qu'elle lance des modèles électriques d’entrée de gamme et moins chers.
Pas de concession sur 2030 et 2035
Pour T&E, les législateurs doivent désormais rester fermes face aux pressions exercées pour modifier les normes de CO₂ des voitures pour 2030 et 2035, lorsque l'UE procédera à une révision de la législation. Pour rappel, les voitures, les camionnettes, les camions et les bus sont responsables de 22 % des émissions de gaz à effet de serre dans l'UE et ces émissions n’ont pas baissé au cours des dernières années.
Diane Strauss, directrice de T&E France, explique : « Cette concession faite à l’industrie automobile doit être la dernière. La Commission doit rester ferme sur les objectifs 2030 et 2035. Ralentir l’électrification en Europe ne peut en aucun cas être une réponse adéquate pour rester dans la course face à la Chine ».
Une conditionnalité cruciale sur les aides
La Commission a déclaré qu'elle étudiait la possibilité de soutenir la production de batteries dans l'UE et d'introduire des obligations de contenu local. Mais c'est trop peu et trop tard. Au moins 100 GWh de capacité de production de batteries ont été annulés l'année dernière en raison des difficultés des producteurs européens à lutter contre la concurrence mondiale, contre les subventions accordées ailleurs et contre l'absence de règles équitables. L'UE envisage également d'apporter un soutien financier au recyclage des batteries, un secteur qui présente un énorme potentiel de réduction des importations de minerais, mais qui a du mal à se développer en Europe.
T&E se félicite néanmoins de l'annonce prévoyant que tout soutien à la production de batteries soit désormais subordonné au fait que les investisseurs étrangers partagent leurs compétences et leurs technologies avec les entreprises européennes, comme les fabricants européens sont tenus de le faire en Chine depuis des dizaines d'années. Mais les annonces sur l'obligation d'inclure du contenu "Made in Europe” dans les cellules des batteries et leurs composants restent floues et ne répondent pas à l'urgence de la situation.
« Il est grand temps d’agir face à l'industrie chinoise des batteries, largement sponsorisée par l'État, explique Diane Strauss. Si l'UE souhaite vraiment que cette technologie se développe en Europe, elle doit apporter le plus rapidement possible un soutien financier axé sur la mise à l'échelle et les exigences en matière de contenu local. Trois ans après l'IRA américain, il faut passer à la vitesse supérieure. Ce soutien devrait être ouvert à tous les producteurs, mais les entreprises étrangères doivent être tenues de partager leurs connaissances, comme les constructeurs automobiles européens ont dû le faire. »
Une proposition pour verdir les flottes d’entreprises à l’échelle européenne
La Commission proposera également une législation européenne sur le verdissement des flottes d'entreprise, selon une communication distincte publiée aujourd'hui. Une législation visant à électrifier ces grandes flottes renforcerait la compétitivité des constructeurs automobiles européens, qui vendent 62 % de leurs véhicules sur le marché des entreprises. L'analyse de T&E montre que les objectifs d'électrification des flottes pourraient garantir une demande de plus de 2 millions de voitures électriques pour les constructeurs européens en 2030 - la moitié des ventes de VE, en moyenne, dont ils auraient besoin pour atteindre leurs objectifs contraignants en matière d'émissions de CO₂ à l'horizon 2030.
Les voitures d'entreprise constituent le plus grand marché automobile de l'UE, avec environ 60 % des voitures neuves immatriculées dans ce segment. Malgré son fort potentiel de soutien au secteur automobile européen dans sa transition vers l'électrique, ce marché s'électrifie à peine plus vite que les ménages (14,3 % contre 13,6 %). Selon l'analyse de T&E, fixer des objectifs d'électrification contraignants pour les grandes flottes, à l'instar de ceux désormais effectifs en France, soutiendrait clairement les investissements des constructeurs automobiles de l'UE dans l'électrification, tout en amenant près de 7 millions de VE plus abordables sur le marché des véhicules d'occasion d'ici 2035 pour les particuliers.
Léo Larivière, responsable Transition automobile de T&E France, a déclaré : « Le fait que l'UE propose dès cette année une loi visant à accélérer l'électrification des flottes de véhicules d'entreprise est un événement majeur. C'est non seulement la bonne décision pour réduire rapidement les émissions, mais cela renforcera la compétitivité de l'Europe et soutiendra les constructeurs automobiles dans leur transition. L'UE doit proposer des obligations d’électrification pour les grandes flottes. Tout retard privera les fabricants de batteries et le secteur de la recharge de la garantie d'investissement dont ils ont besoin dans les années à venir. »
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