+4% Augmentation des émissions de CO2 des vols au départ de la France entre 2023 et 2024.
L’année dernière, selon T&E, les vols au départ de l’Europe, toutes destinations confondues, ont émis quasiment autant de CO2 qu’en 2019, la même tendance étant observée en France. Le marché carbone de l’Union européenne (ETS) ne prend toujours pas en compte le coût réel des émissions du secteur.
+4% Augmentation des émissions de CO2 des vols au départ de la France entre 2023 et 2024.
En 2024, le secteur européen de l’aviation a presque entièrement retrouvé ses niveaux d’avant Covid [1], atteignant 96% du nombre de vols de 2019 et 98% des émissions CO2, selon une nouvelle analyse de T&E.
L'étude montre également que dix compagnies aériennes représentent 40% des émissions liées aux vols aux départs de l’Europe [2], la première étant Ryanair (16 millions de tonnes CO2) suivie par Lufthansa (10 Mt CO2) et British Airways (9 Mt CO2). La croissance des vols low cost se poursuit, pour les trajets intra-européens et extra-européens.
Les aéroports européens ont enregistré plus de 8,4 millions de décollages l'année dernière, générant 187,6 Mt de CO₂. Dans le détail, les vols intra-européens (vols domestiques exclus), avec 71,5 Mt, ont déjà dépassé leur niveau de 2019 (67,3 Mt) et les vols extra-européens sont sur une trajectoire similaire [3]. « Les émissions de l'aviation deviennent incontrôlables, analyse Jérôme du Boucher, responsable aviation chez T&E France. Si l’Europe continue sur cette voie, les promesses d’une aviation plus « verte » resteront une pure fiction. »
Pour les vols au départ de France, les émissions de CO2 ont augmenté de 4% en 2024 par rapport à l’année précédente et atteignent ainsi 21,2 Mt. Elles représentent désormais 93% du niveau pré-Covid. Poursuivant le mouvement observé en 2023, les émissions des trois principales compagnies low cost (Ryanair, easyJet, WizzAir) ont continué de croître de manière dynamique en France (+5% en 2024). Elles dépassent de 19% leur niveau de 2019.
En complément des actions au niveau européen, l'État français doit définir un cadre clair pour la décarbonation de son secteur aérien. Cela passe avant tout par le gel des projets d’extension aéroportuaire actuellement envisagés à l’aéroport Charles-de-Gaulle, Beauvais et Nice. Le renforcement de la taxe sur les billets d’avion (TSBA) est aussi un prérequis pour mieux refléter l’impact climatique de l’avion et éviter que les émissions ne continuent de croître chaque année. En mars 2025, malgré la hausse de la TSBA votée dans la dernière loi de finances, le trafic au départ de la France a augmenté de 2% par rapport à l’année dernière. Cela plaide pour continuer à renforcer cette taxe.
En 2024, les routes aériennes qui ont émis le plus de CO2 étaient toutes des liaisons vers d'autres continents, Londres-New York arrivant en tête. Actuellement, les émissions de ces vols ne sont pas couvertes par les trois marchés carbone européens (UE, Suisse, Royaume-Uni) qui reposent sur le principe du pollueur-payeur, puisqu’ils s’appliquent uniquement aux vols intra-européens. L’étude de T&E montre que 70% des émissions de CO₂ des vols au départ de l’Europe n’étaient pas couvertes par le marché carbone en 2024.
« Non seulement le secteur aérien ne respecte pas ses promesses de décarbonation, mais en plus, il ne paye pas le véritable coût de sa dette climatique, constate Jérôme du Boucher. La révision du marché carbone de l’UE, prévue en 2026, doit être l’occasion de combler cette lacune dans la législation actuelle et de garantir que les compagnies aériennes s’acquittent de leur juste part ».
Pour T&E, cette révision doit conduire à l’extension du marché carbone de l’UE à tous les vols au départ de son territoire. Néanmoins, l’industrie aérienne montre déjà des signes de mauvaise volonté sur les enjeux climatiques : les PDG de grandes compagnies aériennes ont ainsi récemment appelé l’Union européenne à assouplir ses règles de tarification du carbone [4].
T&E estime qu'une extension du marché carbone européen et de celui du Royaume-Uni aurait pu générer 7,5 milliards d’euros supplémentaires en 2024 si les émissions extra-UE avaient été tarifées [5].
Au lieu de cela, de nombreux PDG de compagnies aériennes affichent leur préférence pour le système mondial de compensation carbone, appelé CORSIA [6]. Ce n’est pas surprenant : un tel système serait jusqu’à 23 fois moins cher pour eux qu’une extension de l’ETS [7], leur évitant de payer le prix réel de leurs émissions de CO2. De plus, CORSIA n’aidera pas à générer des revenus pour les technologies d’avenir telles que les carburants alternatifs (SAF) et les avions électriques et à hydrogène.
« Compter sur CORSIA pour couvrir les émissions internationales de l’aviation est une fausse solution, ajoute Jérôme du Boucher. Un marché carbone européen étendu aux vols extra-européens est la seule solution qui aura un impact positif sur les économies européennes, tout en présentant le plus grand bénéfice environnemental. »
Notes aux éditeurs
[1] La Commission européenne publie chaque mois d’avril les données compilées sur les émissions couvertes par le système d'échange de quotas d'émission (ETS) de l'UE et de la Suisse. Cet ensemble de données se limitant aux vols intra-européens, T&E intègre aussi dans l'analyse tous les vols au départ de l’UE, en y ajoutant la Norvège, l’Islande, la Suisse et le Royaume-Uni, à partir des données de vols OAG. Cela permet d'avoir une vision plus complète des émissions liées à l'aviation aux niveaux européen et international.
[2] Les émissions analysées par T&E sont celles des vols au départ de l’Europe. Elles ne représentent donc qu’une fraction des émissions totales de grandes compagnies comme Emirates qui opèrent sur plusieurs continents.
[3] En 2024, les vols extra-UE représentaient 91% des niveaux de 2019.
[4] Voir : IATA airlines chief warns aviation industry falling behind on net zero | Reuters
[5] Cette estimation chiffrée prend pour hypothèse un niveau de trafic constant après la mise en place de la nouvelle réglementation.
[6] Financial Times, 2025. European airlines urge EU to pull back on climate policies.
[7] Avec une estimation du prix de compensation CORSIA de 16,56 € par tonne, la facture totale de l'aviation européenne serait de 0,5 milliard d'euros, sur la base des émissions de l'UE en 2024. C'est 23 fois moins qu’avec un champ d'application de l'EU ETS étendu à tous les vols au départ de l'Europe. Par ailleurs, les revenus de CORSIA ne resteraient pas en Europe mais iraient dans les poches des fournisseurs mondiaux de compensation pour des projets internationaux douteux.
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