Grâce à la loi européenne sur les infrastructures de recharge, les stations publiques pourront fournir 97 % de l'électricité dont les camions électriques auront besoin en 2030 en France pour tenir l’objectif de réduction des émissions de CO2 proposé par la Commission.
L’infrastructure de recharge est aujourd’hui le principal obstacle à un déploiement plus rapide des camions zéro émission. Pour y remédier, le règlement européen AFIR [1] définit de nouvelles obligations pour les Etats membres en termes de déploiement de la recharge publique.T&E a analysé ces nouvelles obligations et démontre, à travers une nouvelle étude, que l’application de ce règlement permettra à la France d’avoir suffisamment de bornes installées pour accélérer l’électrification des flottes de véhicules lourds.
AFIR rend visible et possible la trajectoire de décarbonation des camions proposée par la Commission en février dernier. Il appartient maintenant aux États de s’en saisir pour renforcer leurs ambitions pour ce secteur.
D’ici 2030, la France devrait disposer de 1,4 TWh d’électricité disponible par an pour les véhicules lourds électrifiés. C’est également l’année à laquelle les émissions des poids-lourds neufs devront avoir baissé de 45%, comme le prévoit la Commission européenne. Selon les calculs de T&E, l’électricité disponible en France en 2030 représentera 97 % de ce qui sera nécessaire pour alimenter les camions électriques [2] qui circuleront dans le pays.
En 2030, l’UE prévoit que l’électricité disponible pour les véhicules lourds sera équivalente à 13,79 TWh par an pour l’ensemble des Etats membres. Ce sera au-delà de ce qui est nécessaire pour remplir les objectifs d’électrification de la commission, et atteindre l’objectif de 45% de réduction des émissions de CO2. Plus encore, cette disponibilité sera, selon T&E, suffisante (à 97%) pour donner plus de place aux technologies zéro émissions, et réduire de 65% les émissions de CO2 des camions.
La France est-elle sur la bonne trajectoire ? Selon T&E, la France devrait s’inspirer de l’Allemagne. Le pays prévoit de dépasser les objectifs européens sur l’installation de bornes de recharge publiques pour camions. Leur plan de développement aura pour effet d’accélérer leur électrification. Si la France adoptait une politique similaire, elle s’assurerait un volume supplémentaire de camions électriques sur son marché, contribuant ainsi à améliorer la qualité de l’air et à atteindre les objectifs climatiques nationaux.
Pour Marie Chéron, responsable des politiques véhicules à T&E France, « le discours alarmiste sur la recharge ne résiste pas à un examen approfondi. La recharge doit et va se déployer rapidement pour les camions. La nouvelle loi européenne sur les infrastructures prévoit suffisamment de bornes de recharge en France pour électrifier le parc de poids lourds, à hauteur de ce que prévoit la Commission, et permet même d’aller plus vite. La balle est dans le camp des Etats, dont la France.»
Le lobby des constructeurs de camions, l’ACEA, réclame de son côté une capacité de recharge publique quatre fois supérieure à celle nécessaire pour atteindre les objectifs de la Commission européenne en matière d’émissions de CO2 des camions en 2030. Cela signifierait que les points de charge ne seraient utilisés qu’un peu plus de 30 minutes par jour en moyenne.
Pour T&E, cela conduirait à un réseau de recharge surdimensionné et particulièrement coûteux pour les Etats membres. A l’inverse, un renforcement de l’objectif proposé par la Commission de 45 à 65% de réduction des émissions de CO2 des véhicules lourds d’ici 2030 est possible au niveau européen, et optimiserait l’utilisation des bornes de recharge publique, qui seraient alors sollicitées 4 heures par jour.
« Les affirmations selon lesquelles les objectifs de l’UE en matière de recharge publique sont insuffisants ne tiennent pas compte du fait que les camions électriques seront surtout rechargés dans les dépôts. Surdimensionner le réseau public conduirait à une sous-utilisation des bornes, et serait particulièrement dispendieux. La question qui se pose est celle d’un déploiement cohérent, organisé, du réseau de recharge publique. Nous avons besoin pour cela d’un plan à 10 ans, co-construit avec les acteurs du secteur afin de répondre au mieux à leurs besoins. C’est le sens de la planification écologique », conclut Marie Chéron.
Les eurodéputés et les Etats membres devront se mettre d’accord sur les futures normes de CO2 pour les camions d’ici la fin de la législature, en 2024. Les camions ne représentent que 2% des véhicules en circulation, mais sont responsables de plus d’un quart des émissions de CO2 du transport routier dans l’UE.
Note aux éditeurs
[1] D’ici à 2030, les pays devront installer au moins 3 600 kW de capacité de recharge pour les camions, tous les 60 km, le long des principales autoroutes de l’UE. Sur les autoroutes secondaires, une capacité de recharge d’au moins 1500 kW devra être disponible tous les 100 km. Des centres de recharge devront également être disponibles dans chaque grande ville d’ici 2030, et il devra y avoir quatre stations de recharge dans chaque « aire de stationnement sûre et sécurisée pour les camions ».
[2] Les bus urbains ne sont pas inclus dans le calcul, car l’hypothèse retenue est qu’ils se chargeront dans les dépôts et pas sur la voie publique.
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