Une nouvelle étude de Transport & Environment (T&E) confirme la faillite des quotas légaux d’électrification des grands parcs automobiles professionnels. L’adoption de la réforme portée par le député Damien Adam est plus que jamais nécessaire.
Les années passent, le constat reste le même : les grandes entreprises ne prennent toujours pas leur juste part de la transition vers le véhicule électrique. C’est l’une des principales conclusions d’une nouvelle étude de T&E, qui réalise depuis deux ans le bilan des quotas légaux d’électrification fixées par la loi loi d’Orientation des Mobilités (LOM).
Les résultats sont accablants : en 2023, la grande majorité (60 %) des entreprises visées par la loi ne respecte pas ces quotas, en très faible progrès par rapport à 2022 (66 %). Pour rappel, la loi s’applique aux 3 447 sociétés qui exploitent plus de 100 véhicules légers. Chaque année, elles sont tenues d’intégrer un quota minimal croissant de véhicules à faibles émissions sur l’ensemble de leurs commandes automobiles, fixé à 10 % en 2022 et 2023.
Ces obligations sont justes et pertinentes. Elles ne concernent que 0,1 % des entreprises hexagonales, mais l’influence de ces dernières sur l’évolution du marché est considérable : chaque année, ces grands groupes immatriculent près de 6 véhicules légers neufs sur 10.
« C’est vraiment le monde à l’envers, dénonce Léo Larivière, responsable transition automobile à T&E France et auteur de l’étude. En 2023, seuls 8 % des véhicules neufs immatriculés par les grands groupes assujettis à la loi étaient électriques, soit presque trois fois moins que les ménages, qui étaient déjà à 22 %. Ces entreprises ont les moyens de faire mieux. Un si grand pouvoir de marché implique nécessairement de grandes responsabilités ».
Les véhicules électriques ont par exemple représenté 1 % des voitures et utilitaires acquis l’an dernier par le groupe de télécommunications Iliad-Free. Même constat chez Air Liquide et Carrefour, tous les deux membres du CAC 40. Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi, ces entreprises n’ont plus d’excuses pour ne pas respecter les règles.
Ces performances sont d’autant plus incompréhensibles que d’autres entreprises dépassent largement l’objectif, comme EDF (40 % de véhicules électriques parmi les véhicules immatriculés en 2023), La Poste (46 %), Filpar / Hertz Corse (59 %) ou encore SPIE (60 %).
Dans ce contexte, une proposition de loi est actuellement portée par le député Damien Adam (Renaissance) pour rectifier le tir. Concrètement, elle prévoit de renforcer la trajectoire d’électrification, d’exclure les véhicules hybrides rechargeables du périmètre des quotas, et d’instaurer des sanctions pour les entreprises récalcitrantes, avec des amendes et des restrictions d’accès aux marchés publics. T&E a évalué les bénéfices attendus de cette réforme sur la décennie 2025-2035.
« À elle seule, la réforme Adam réduira les émissions du secteur automobile de 57 millions de tonnes de CO2 en dix ans. C’est comme si le trafic aérien français s’arrêtait totalement pendant presque 2 ans et demi, poursuit Léo Larivière. Mais l’intérêt de la loi ne se limite pas au climat ! Il faut savoir que les entreprises sont plus portées sur le “Made in France” dans leurs achats automobiles que les ménages. Accélérer leur électrification entraînera la vente supplémentaire de 1,7 million de Renault, Peugeot, Citroën et DS électriques et la production de plus d’un demi-million de véhicules électriques additionnels dans les usines du pays. Ça serait une très bonne nouvelle sur le plan industriel ».
La réforme est également bénéfique d’un point de vue social. Le taux de renouvellement des véhicules professionnels étant plus rapide que celui des ménages, elle permettra la diffusion de 2 millions de véhicules électriques de seconde main supplémentaires, dont 900 000 petits véhicules abordables. En ce sens, elle facilitera la transition des classes moyennes et des ménages modestes, très dépendants de l’offre de véhicules d’occasion [2].
Cette transition est aussi dans l’intérêt des entreprises elles-mêmes. La motorisation électrique est aujourd’hui la moins chère du marché (en prenant en compte tous les coûts sur la durée d’utilisation du véhicule), sans oublier les bénéfices en termes d’attractivité, d’image et de respect des engagements climatiques pour le secteur privé.
[1] Proposition de loi n°2126, déposée le 30 janvier 2024. Il s’agit d’une version actualisée d’une première PPL déposée en décembre 2023.
[2] En 2023, 84 % des véhicules achetés par les ménages l’ont été sur le marché de l’occasion, mais la part de marché des véhicules électriques d’occasion ne s’élève qu’à 1,75 %.
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