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Électrification des flottes d’entreprises : les filiales leasing de la BNP Paribas et de la Société Générale freinent la transition

mai 21, 2024

Les ménages français devancent les sociétés de leasing de la BNP et Société Générale dans la transition vers la voiture électrique. Ces deux géants sont également responsables de la mise en circulation de nombreux gros SUVs polluants sur les routes françaises. Ce sont les conclusions d’un nouveau rapport de Transport & Environment (T&E), publié en amont de l’Assemblée générale de la Société Générale.

11% Le faible pourcentage de voitures électriques immatriculées par les filiales leasing de BNP Paribas en 2023.

Société Générale (SG), BNP Paribas, BPCE, Crédit Mutuel, Crédit Agricole… Les grandes banques françaises ont un point commun : elles possèdent toutes des filiales leasing automobile, qui achètent chaque année des dizaines de milliers de voitures neuves aux constructeurs automobiles et les louent à leurs clients professionnels en échange d’un loyer mensuel.

En France, les entreprises immatriculent chaque année la moitié des voitures neuves. La grande majorité (63 % en 2023) de ces voitures d’entreprises sont en réalité détenues et louées par une société de leasing. Cela signifie qu’au total, en France, près d’une voiture neuve sur trois (31 %) est détenue par une société de leasing et louée à des entreprises. C’est un marché très concentré et extrêmement profitable [1], dominé par une poignée de grands groupes.

Or, comme le démontre l’analyse de T&E, les deux leaders de ce marché, la Société Générale et la BNP Paribas, ne jouent pas le jeu de la transition. Sur les 93 000 voitures louées en 2023 aux flottes professionnelles par les filiales leasing de la Société Générale (dont la plus grande, Ayvens), seules 12 % étaient électriques [2]. Loin de la moyenne du marché automobile français - 17 % de véhicules électriques parmi les modèles neufs vendus en 2023 - et de celui des ménages, à 23 %. Le retard reste encore plus marqué pour la BNP Paribas (et sa principale filiale, Arval) avec seulement 11 % de modèles électriques sur les plus de 80 000 voitures louées aux entreprises l’année dernière.

Au final, seul le Crédit Agricole affiche une performance au-dessus du marché (23 %), sur un volume de voitures plus faible (14 000 véhicules). Ces chiffres montrent qu'une électrification rapide est possible sous réserve d’orienter sa stratégie de développement vers l’électro-mobilité. T&E appelle les autres acteurs du marché à faire de même.

Par ailleurs, la BNP et la Société Générale inondent le marché de gros SUV thermiques et hybrides (segments D, E et F, qui pèsent presque 2 tonnes en moyenne, contre 1,35 t pour la moyenne du marché). La part de ces voitures ultra polluantes et consommatrices de ressources immatriculées par les deux géants bancaires est quatre fois plus élevée que chez les ménages (12 % contre 3 %) et deux fois plus élevée que le marché (6 %).

Si l’entreprise est in fine décisionnaire de la voiture qu’elle loue, les grandes sociétés de leasing sont loin d’être des « intermédiaires de financement neutres » comme elles le prétendent souvent.

« Bien au contraire, elles ont un grand pouvoir de marché, analyse Léo Larivière, responsable Transition automobile chez T&E France. Elles commandent des dizaines de milliers de voitures chaque année puis fixent leur prix à la location. Elles influent donc sur les stratégies de production des constructeurs. Nous avons aussi démontré dans un rapport et une enquête de terrain qu’elles influencent négativement les choix de leurs entreprises clientes, en surfacturant l’électrique et en conseillant activement de se tourner vers les voitures thermiques et hybrides. » [3]

Un marché de l’occasion asséché

Ce manque d’engagement est d’autant plus préjudiciable que le leasing aux entreprises alimente fortement le marché des voitures d’occasion : les voitures en location de longue durée sont en effet revendues au bout de trois à quatre ans. En ralentissant la transition électrique des voitures neuves, les sociétés de leasing ralentissent donc aussi la diffusion de voitures électriques de seconde main, moins chères et accessibles au plus grand nombre.

« Les sociétés de leasing prétendent souvent être des leaders de la mobilité verte. Les rapports s’accumulent pour démontrer qu’elles sont en réalité des faux-amis de la transition automobile. Pire encore, le secteur a mené une fronde contre la réforme qui visait à accélérer l’électrification des plus grandes flottes d’entreprises du pays » poursuit Léo Larivière.

Les lobbies du secteur contestent les politiques de verdissement

Le principal syndicat des loueurs de longue durée (Sesam LLD) a en effet contesté devant le Conseil d’État les obligations légales d’électrification des flottes professionnelles fixées par la loi d’Orientation des Mobilités (LOM), demandant l’exonération des voitures détenues et louées par les sociétés de leasing [4]. Ce recours a été rejeté en octobre 2023. Les lobbies du secteur tentent actuellement d’obtenir politiquement ce qu’ils ont échoué à obtenir juridiquement, en poussant des dizaines d’amendements à l’occasion du début d’examen à l’Assemblée nationale de la réforme de ces obligations d’électrification portée par le député Damien Adam [5].

« Les banques et leurs filiales de leasing doivent prendre leur juste part de responsabilité et s’engager sur une trajectoire de sortie de la voiture à pétrole. Il est désormais urgent que les décideurs publics se penchent sur le fonctionnement de ce secteur devenu incontournable, et auquel nous avons délégué le leasing social » conclut Léo Larivière.

Notes

[1] Voir le rapport de Profundo pour Transport & Environment (novembre 2023).

[2] Sur le début de l’année 2024, Ayvens a néanmoins annoncé une meilleure performance en Europe, avec une part de véhicules électriques immatriculés qui monte à 22 % au premier trimestre.

[3] Voir les rapports de Transport & Environment de février 2023 et de novembre 2023.

[4] Conseil d'État - 6ème chambre jugeant seule (11 octobre 2023), décision n° 454045.

[5] Voir les amendements n°127, 130, 131, 170, 191, 192, 193, 206, 211, 213, 259, 261, 262 à la proposition de loi n°2126 visant à accélérer et contrôler le verdissement des flottes automobiles.

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