Isabell Büschel, Directrice en Espagne de Transport & Environment
La transformation vers une économie bas carbone est une priorité incontournable pour l'Union européenne et ses États membres, engagés dans l'Accord de Paris pour atteindre des émissions nettes de carbone nulles d'ici 2050. Ce changement nécessite une révision profonde des secteurs économiques, en particulier les transports, qui représentent une proportion significative des émissions de gaz à effet de serre en Europe et ont connu une augmentation constante depuis 1990, malgré les efforts dans d'autres domaines pour réduire ces émissions. Cette tendance est insoutenable et nécessite une approche déterminée et ambitieuse pour la renverser.
La bonne nouvelle est que nous avons les outils et les moyens pour y parvenir. L'électrification des transports terrestres apparaît comme une solution clé pour réduire les émissions, en tirant parti de la disponibilité de technologies telles que les véhicules électriques, qui démontrent déjà leur capacité à améliorer la qualité de l'air et à réduire les externalités négatives associées aux combustibles fossiles. L'Espagne, avec son abondance de ressources renouvelables, est stratégiquement positionnée pour mener cette transition et réduire sa dépendance aux importations d'énergie.
En effet, le passage à des transports plus écologiques et plus efficaces présente non seulement des avantages environnementaux, mais aussi économiques et sociaux. Étant donné que l'Espagne bénéficie du plus grand nombre d'heures d'ensoleillement par rapport aux autres États membres de l'UE, qu'elle abrite l'un des plus grands gisements de lithium du continent et qu'elle occupe la troisième place en termes de capacité de production d'énergie renouvelable en Europe, la question se pose : pourquoi continuer à importer des énergies fossiles comme le pétrole et le gaz naturel en période de crise climatique et de tensions géopolitiques croissantes ? Est-il logique, alors que nous sommes riches en énergies propres, de continuer à dépendre des importations de combustibles fossiles (pétrole et gaz naturel) en provenance de pays comme le Nigeria, l'Irak, la Russie, l'Algérie et même les États-Unis, le Mexique et le Brésil pour transporter des marchandises et des personnes de Huelva à Gérone ou de La Corogne à Murcie ? L'internalisation de la chaîne d'approvisionnement des batteries en Europe ne réduirait pas seulement les émissions de carbone, mais créerait également des emplois et stimulerait l'innovation dans des secteurs clés de haute technologie et de durabilité. De plus, en raccourcissant les chaînes d'approvisionnement et en promouvant la production locale de batteries et de leurs composants, l'autonomie stratégique de l'Europe serait renforcée et le respect des normes environnementales et sociales rigoureuses serait garanti.
En optant pour cette voie vers un avenir plus durable, un débat éthique et de responsabilité morale s'ouvre. Devons-nous prioriser le bien-être à long terme de la planète et de ses habitants, ou continuer à nous accrocher à des modèles économiques qui contribuent au changement climatique et à la dégradation de l'environnement ? Ce dilemme prend toute son importance dans le contexte des élections européennes, où les citoyens de tous les États membres ont l'opportunité d'influencer la direction politique et économique de la région. En tant que fervente défenseure de l'intégration européenne en raison des immenses bénéfices qu'elle nous procure, il est clair pour moi qu'accélérer la transition écologique est synonyme de bien-être, tandis que retarder cette transformation ne fait que diminuer notre résilience face au réchauffement climatique, à l'accélération des événements climatiques extrêmes et aux variations de l'approvisionnement en énergies et matières premières. Entraver et ralentir la transition écologique, comme le recherchent certaines entreprises et gouvernements populistes de certains États membres, constitue une grave menace pour le bien-être économique et social en Europe. En revanche, impulser cette transition apporte des bénéfices tant pour la santé publique que pour l'économie.
Établir des objectifs ambitieux d'électrification pour les entreprises qui possèdent ou louent de grandes flottes de véhicules via le leasing est crucial pour avancer vers des émissions zéro. De plus, cela facilitera la démocratisation du véhicule électrique, car à la fin de la période de location, ces véhicules alimenteront un marché naissant de véhicules d'occasion. La mise en place d'incitations fiscales principalement destinées aux entreprises, et l'introduction d'un programme de leasing social destiné aux groupes de population à faibles revenus se présentent comme des solutions pour rendre la transition vers la mobilité électrique plus accessible et équitable pour tous les secteurs de la société. Ce programme pourrait faire partie du plan social pour le climat, financé partiellement par des fonds de l'Union européenne. L'électrification des flottes d'entreprises et l'adoption du leasing social aideront à augmenter la part actuellement faible des immatriculations de véhicules électriques en Espagne (5 %), inciteront les fabricants à produire des véhicules plus abordables et favoriseront la création d'emplois de qualité et avec des perspectives d'avenir.
En résumé, la transition vers une économie bas carbone est un défi à relever d'urgence, et l'électrification des transports ainsi que l'internalisation de la chaîne d'approvisionnement des batteries émergent comme deux stratégies fondamentales pour atteindre cet objectif. Il est crucial que l'Union européenne et ses États membres prennent des mesures décisives en ce sens, en saisissant des opportunités telles que le projet de loi espagnol sur l'industrie et l'autonomie stratégique ou la loi sur la mobilité durable, pour tracer la voie vers un avenir plus propre et plus durable. Après les prochaines élections, les eurodéputés mettront en œuvre les politiques choisies par leurs électeurs. Tous ces aspects doivent être pris en compte lorsque nous déposerons notre bulletin de vote dans l'urne.
Cet article a été publié dans le journal El País le 23 mai 2024.
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