Le soutien du chancelier Olaf Scholz aux e-fuels (carburants de synthèse) va frapper les automobilistes au porte-monnaie tout en aggravant la pollution de l’air et les émissions de CO2.
Le soutien d’Olaf Scholz aux carburants de synthèse pourrait conduire les automobilistes français à devoir payer environ 50% plus cher, à terme, pour faire le plein, selon une nouvelle analyse de Transport & Environment (T&E). Le chancelier allemand est entré en conflit avec l’UE en demandant que les voitures neuves roulant aux carburants de synthèse, appelés aussi e-fuels, soient autorisées à la vente après l’échéance de 2035, qui doit normalement marquer la fin des moteurs à combustion.
Le coût exorbitant des carburants de synthèse aura plusieurs conséquences. D’abord, seuls les conducteurs aisés pourront se l’offrir. Ensuite, tous les autres conducteurs qui achèteront des moteurs à combustion certifiés comme fonctionnant aux e-fuels seront poussés à contourner les règles et à acheter de l’essence classique, moins chère, à la place.
L’essence synthétique pourrait coûter plus de 2,82 euros par litre à la pompe en France en 2030, soit presque 50 % de plus que l’essence ordinaire aujourd’hui. Cela en raison du processus de production complexe et énergivore des e-fuels [1]. Au final, un conducteur qui ferait un plein d’essence synthétique une fois par mois devrait débourser entre 1692 et 2538 euros par an selon la capacité du réservoir et le kilométrage [2], d’après l’analyse de T&E.
Pour Marie Chéron, responsable des politiques véhicules à T&E France, « Olaf Scholz menace de saper le Green Deal européen pour sauver les moteurs à combustion polluants. Le coût plus élevé des e-fuels signifiera que seuls les riches pourront se les offrir, tandis que tous les autres seront poussés à contourner les règles et à utiliser de l’essence fossile à la place. Les automobilistes et le climat seront perdants ».
La volonté de l’Allemagne d’alimenter les nouvelles voitures avec des carburants de synthèse augmenterait également les émissions de CO2 et la consommation de pétrole du parc automobile existant, du fait des ressources limitées en e-fuels. Autoriser la vente de moteurs à combustion après 2035 aurait pour effet, selon les estimations de T&E, d’empêcher la vente de 46 millions de voitures électriques à zéro émission d’ici à 2050, tout en privant potentiellement les voitures existantes de cette solution dont elles ont besoin pour se décarboner.
Si l’essence de synthèse est employée dans les nouvelles voitures, les véhicules déjà en circulation consommeront 135 milliards de litres d’essence fossile supplémentaires et émettront 320 MtCO2e de plus d’ici à 2050 que si l’essence de synthèse était disponible pour le parc automobile existant.
Faire une exception pour les e-fuels condamnerait également les Européens à respirer un air toxique pendant des décennies. Si les carburants synthétiques peuvent être neutres en carbone, ils émettent néanmoins des polluants atmosphériques, notamment des dioxydes d’azote (NO2) toxiques et des particules cancérigènes, lorsqu’ils sont brûlés dans les moteurs. L’analyse de T&E montre que les voitures roulant aux e-fuels pourraient émettre jusqu’à 160.000 tonnes de NOx supplémentaires dans l’UE d’ici à 2050, soit plus d’émissions toxiques que le parc automobile italien sur une année entière.
Diane Strauss, directrice de T&E France, conclut : « En fin de compte, les e-fuels ne seront rien de plus qu’une solution de niche pour les conducteurs de Porsche. En refusant de s’engager clairement sur l’élimination progressive des moteurs à combustion au profit d’un carburant coûteux et polluant, Olaf Scholz met en péril la transition écologique de l’Europe et l’avenir de son industrie automobile ».
La Commission européenne est actuellement en négociation avec l’Allemagne pour trouver une solution au sujet des e-fuels. T&E réaffirme que la volonté d’Olaf Scholz de promouvoir les carburants synthétiques compromet la sécurité des investissements dans l’électrification des constructeurs automobiles européens et met en péril jusqu’à 30 milliards d’euros d’investissements dans les usines de batteries rien qu’en Allemagne.
Note aux éditeurs:
[1] Prix basé sur l’estimation de l’ICCT du prix de détail de l’e-diesel en 2030. Le prix en France est basé sur une TVA de 20% et le taux de taxation des e-carburants est estimé à 0,15 euros par gigajoule (GJ), comme dans la proposition de révision de la directive sur la taxation de l’énergie de l’UE (ETD, consultable ici).
Pour cette analyse, T&E a considéré que les prix de l’essence synthétique seraient similaires à ceux de l’e-diesel. En réalité, sa production nécessite une transformation plus importante que celle du e-diesel, ce qui devrait entraîner des prix encore plus élevés que ceux présentés ici.
Lire: The ICCT. (2022). Current and future cost of e-kerosene in the United States and Europe : https://theicct.org/wp-content/uploads/2022/02/fuels-us-europe-current-future-cost-ekerosene-us-europe-mar22.pdf
[2] Calculs effectués pour une voiture ayant un réservoir de 50L ou de 75L. Ces deux capacités correspondent d’une part à celles d’un véhicule standard (type Peugeot 2008 ou Captur) et d’autre part à des gros SUV (type Audi Q5). Pour une voiture de 50L ayant une consommation de 5L/100km, un plein par mois équivaut à 12.000 km parcourus par an, soit la distance moyenne effectuée en France par une voiture.
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