Malgré quelques timides avancées, les bateaux de croisière restent une industrie extrêmement polluante et émissive, selon une nouvelle analyse.
En dépit des belles promesses, les bateaux de croisière ne sont pas plus verts qu’avant et continuent de polluer l’air des villes portuaires. La nouvelle étude de Transport & Environment (T&E) publiée ce jeudi montre qu’en 2022, les 218 navires de croisière situés en Europe ont émis autant d’oxydes de soufre (SOx) qu’un milliard de véhicules sur la même période. Entre 2019 et 2022, le nombre de navires en service a augmenté de près d’un quart. Parallèlement, les émissions de SOx liées à ces bateaux ont augmenté de 9%, celles d’oxydes d’azote (NOx) de 18% et celles de particules fines (PM 2.5) de 25%.
Parmi les 30 ports les plus pollués par les bateaux de croisière en Europe, deux sont français: Marseille (12e) et Le Havre (18e). A Marseille, les 75 bateaux de croisière qui ont accosté en 2022 ont émis deux fois plus de SOx que l’ensemble des voitures immatriculées dans la ville. Quant au Havre, les 40 navires de croisière recensés l’année dernière ont relâché 7 fois plus de SOx que la totalité des voitures havraises.
Fanny Pointet, responsable du Transport maritime à T&E France explique : « aujourd’hui, le seuil d’émission maximal de SOx imposé aux bateaux de croisière est 100 à 500 fois supérieur à celui imposé aux voitures [1], suivant l’endroit où le navire se trouve. En conséquence, ces navires continuent de polluer fortement l’air des ports, contribuant ainsi à accroître le risque de maladies respiratoires et cardiovasculaires ».
Les “scrubbers”, une solution en trompe l’oeil
A Marseille, les résultats semblent à première vue positifs, comparés à d’autres villes européennes. Entre 2019 et 2022, les émissions de SOx y ont baissé de 23%. Mais il s’agit d’un trompe l’œil. En effet, pour diminuer le rejet de polluants dans l’air et se conformer à la réglementation, de plus en plus de navires utilisent des « scrubbers ». Ce dispositif consiste à utiliser l’eau de mer pour filtrer les gaz d’échappement du navire.
« Le problème, c’est que la plupart des “scrubbers” fonctionnent en circuit ouvert, poursuit Fanny Pointet. Les navires vont donc rejeter dans la mer de l’eau chargée en polluants, comme des métaux lourds ou des particules fines, qui vont perturber l’écosystème marin. Au final, la pollution est juste déplacée de l’air à l’eau. Face à ce problème, des pays comme l’Espagne, le Portugal et la Belgique ont déjà interdit ou limité l’utilisation de scrubbers en circuit ouvert ».
Toujours plus de méthane
L’autre tendance préoccupante identifiée par T&E est le recours accru au gaz naturel liquéfié (GNL). Bien qu’il permette de réduire les émissions de CO2, ce carburant accroît les émissions de méthane, en raison des fuites de gaz qui se produisent lors de sa production, de son transport, et de son utilisation à bord. Entre 2019 et 2022, les émissions de méthane liées aux bateaux de croisière en Europe ont été multipliées par 5. Or, sur une période de 20 ans, le méthane est un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le CO2 et accélère donc le dérèglement climatique [2]. Il ne peut donc pas être considéré comme une solution viable pour baisser la pollution des bateaux de croisière.
« Passer du pétrole au gaz, c’est comme décider d’arrêter de fumer pour se mettre à boire. Cela peut aider les navires de croisière à réduire la pollution atmosphérique, mais c’est terrible du point de vue du climat, conclut Fanny Pointet. Les compagnies de croisière doivent arrêter d’investir dans le GNL et donner la priorité aux technologies à zéro émission, telles que les piles à hydrogène, les batteries, l’installation de voiles et les carburants de synthèse. En parallèle, les pouvoirs publics doivent aider à développer plus rapidement les branchements des navires à quai, afin que ces derniers coupent leurs moteurs lorsqu’ils sont dans les ports ».
Notes aux éditeurs
[1] La norme la plus exigeante de teneur en soufre pour les navires (0,1 % de soufre (S) | 1 000 ppm) reste 100 fois moins bonne que la norme européenne de teneur en soufre pour le diesel routier et l’essence (0,001 % de S | 10 ppm) en vigueur depuis 15 ans.
[2] Le potentiel de réchauffement global (PRG) du méthane (CH4) est 82,5 fois plus élevé que celui du CO2 sur une période de 20 ans et 29,8 fois plus élevé sur une période de 100 ans.
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